Bien motiver et communiquer sa décision en matière de marchés publics
Toutes les clés pour rédiger des décisions correctement motivées.
- Maîtriser toutes les étapes à suivre pour une motivation réussie dans les différentes décisions d’une passation d’un marché public.
- Prévenir au mieux tout risque de contentieux.
- Responsables des services marchés.
- Responsables juridiques et techniques.
Appréhender l’étendue de l’obligation de motivation
- Déterminer le cadre légal applicable.
- Ce que recouvre la notion de motif exact, pertinent, admissible et non constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation.
- Identifier les motifs de fait pouvant être mis en œuvre.
- Définir les cas dans lesquels l’autorité adjudicatrice doit rédiger une décision motivée.
Exercice d’application : les mentions à préciser pour éviter une motivation vague.
Sélection, analyse des offres et attribution : motiver au mieux sa décision
- Se poser les bonnes questions avant de rédiger toute décision motivée.
- Identifier les dispositions légales applicables.
- Étudier la jurisprudence pour éviter les erreurs.
Étude de cas : rejet d’une candidature et d’une offre ; décision d’irrégularité ; décision d’attribution.
- Les risques encourus.
Concilier confidentialité et motivation formelle
- Définir la notion de « secret des affaires ».
- Cerner les impacts au niveau des procédures.
- Appréhender la position des commissions d’accès aux documents administratifs.
Étude de cas : exemples tirés de la jurisprudence du Conseil d’État et des avis des commissions d’accès.
Communiquer une décision motivée
- La démarche à suivre.
- Les vérifications à faire avant de diffuser cette décision.
- Communiquer la décision motivée.
- Ce qu’il faut faire en cas de recours.
Les acheteurs publics belges ont des obligations de transparence et d’égalité de traitement. Ces obligations trouvent une traduction concrète dans l’exigence de motiver leurs décisions tout au long de la passation d’un marché. Rejet de candidature, d’offre, attribution du contrat... toutes ces étapes clés doivent faire l’objet d’une motivation écrite, transmise aux opérateurs concernés. Mais au-delà du principe, comment s’assurer de la pertinence et de la solidité de ces motivations ? Et quels sont les risques en cas de motivation insuffisante ou inadéquate ?
Quelles sont les principales obligations légales encadrant la motivation des décisions en matière de marchés publics ?
En Belgique, l’obligation de motivation des décisions en matière de marchés publics découle de plusieurs textes complémentaires.
La loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l’information et aux voies de recours en matière de marchés publics
Elle impose aux adjudicateurs de faire connaître les motifs de leurs décisions à tout soumissionnaire ou candidat non sélectionné, via une décision motivée formelle. Cette exigence est renforcée par celle de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs. Elle prévoit que la motivation doit être adéquate et doit permettre au destinataire de la décision d’en comprendre les justifications factuelles et juridiques.
La loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics
Par exemple, son article 6 prévoit que “les décisions relatives à la sélection des candidats ou des soumissionnaires et à l’attribution du marché sont motivées formellement”.
En synthèse, ces trois textes imposent que chaque décision défavorable aux opérateurs économiques soit motivée par écrit. Et surtout, écrite de façon circonstanciée, en indiquant les raisons factuelles et légales qui la justifient. C’est à la fois un impératif de transparence administrative et un préalable indispensable à l’exercice d’éventuels recours par les opérateurs évincés !
Ces points de droit font l’objet des premières étapes de notre formation “Bien motiver et communiquer sa décision en matière de marchés publics”, animée par Christophe Dubois, Avocat spécialiste des marchés publics au sein du cabinet APEX.
Quels sont les éléments indispensables à faire figurer dans une décision de rejet pour qu’elle soit considérée comme suffisamment motivée ?
En pratique, pour être considérée comme suffisante et adéquate, la motivation d’une décision de rejet doit indiquer clairement des motifs de fait et des motifs de droit. Qu’est-ce que cela signifie ?
- Pour les motifs de fait, il s’agit de préciser en quoi l’offre ou la candidature ne répond pas aux exigences du marché (non-respect du cahier des charges, prix trop élevé, références insuffisantes...).
- Pour les motifs de droit, il faut viser les articles pertinents des textes applicables (loi sur les marchés publics, arrêtés royaux...).
Exemple n°1 : rédiger une décision de rejet d’offre
Imaginons une procédure d’appel d’offres pour un marché de services. Une décision de rejet d’offre pourra invoquer :
- Comme motif de fait : le soumissionnaire n’atteint pas le niveau minimal de qualité requis pour le critère “méthodologie” (noté 2/5 avec un minimum requis de 3/5),
- Comme base légale : l’article 81 de la loi de 2016 qui régit les motifs d’irrégularité des offres.
Par la suite, la décision de l’acheteur doit contenir les informations chiffrées permettant au soumissionnaire de vérifier le classement des offres et le respect des modalités de notation annoncées :
- Notes attribuées à chaque offre pour les différents critères d’attribution
- Poids appliqués
- Formule de calcul de la note globale
- Montant final des offres après négociation le cas échéant.
Exemple n°2 : expliquer les critères de décision
Reprenons notre marché de services en appel d’offres. 5 offres ont été reçues et analysées selon 3 critères : Prix pondéré à 50%, Qualité pondérée à 30% et Délais pondérés à 20%. Le pouvoir adjudicateur indiquera dans la décision envoyée à chaque soumissionnaire non retenu un tableau récapitulatif du type :
Soumissionnaire | Prix (/50) | Qualité (/30) | Délais (/20) | Note globale (/100) | Classement (rang) |
A (attributaire) | 45 | 25 | 15 | 85 | 1 |
B | 40 | 20 | 15 | 75 | 2 |
C (rejeté) | 30 | 15 | 10 | 55 | 4 |
D (rejeté) | 35 | 25 | 5 | 65 | 3 |
Vous | 38 | 12 | 18 | 68 | 5 |
Ces informations doivent permettre au soumissionnaire de reconstituer son classement et de s’assurer que la méthode de notation prévue dans les documents du marché a bien été appliquée. À noter : il n’est pas obligatoire de communiquer le contenu détaillé des offres concurrentes, ni leur décomposition par poste.
Exemple n°3 : informer les candidats sur le résultat de l'appel d'offres
Enfin, en cas de rejet de l’offre, la décision doit explicitement mentionner le nom de l’attributaire pressenti et les caractéristiques principales de son offre, dans le respect du secret des affaires (c’est le principe du “debriefing”). Cela doit permettre aux soumissionnaires écartés de comparer les mérites respectifs des offres.
Dans notre marché de services, l’acheteur pourra indiquer dans la décision de rejet : “Le marché est attribué au soumissionnaire A, dont l’offre a été jugée économiquement la plus avantageuse au vu des critères annoncés, avec les caractéristiques principales suivantes :
- Prix : 100.000 €
- Qualité : très bonne compréhension des besoins, méthodologie détaillée, équipe expérimentée...
- Délais : délai global de 6 mois avec phasage optimal”
Pour résumer, une check-list utile des mentions attendues dans une décision de rejet pourrait être la suivante :
- ✅ Motifs de rejet en fait et en droit
- ✅ Notes et classement des offres avec méthode de calcul
- ✅ Informations sur l’offre retenue (identité, caractéristiques, montant)
- ✅ Mention des voies et délais de recours
- ✅ Signature de la personne compétente.
Une relecture attentive au regard de ces différents points est un bon réflexe à prendre avant envoi aux candidats ou soumissionnaires. Il en va de la sécurité juridique de votre procédure !
Une motivation insuffisante d’une décision peut-elle engager la responsabilité de l’acheteur ? Quels sont les risques ?
La réponse est Oui : une motivation insatisfaisante des décisions d’un marché public expose l’acheteur à des risques importants, tant sur le plan financier que réputationnel.
Un vice de procédure
D’abord, un défaut de motivation constitue en soi un vice de procédure, qui peut amener le juge à prononcer l’annulation de la décision concernée (et par ricochet de toute la procédure), s’il est saisi par un requérant dans les délais de recours.
C’est le cas par exemple si la décision est insuffisamment motivée en fait ou en droit, ou si elle ne permet pas au destinataire d’en comprendre les justifications. Le pouvoir adjudicateur devra alors recommencer la procédure, avec les coûts et délais que cela implique…
La responsabilité de l’acheteur
Un défaut de motivation constitue également une faute susceptible d’engager la responsabilité quasi-délictuelle de l’acheteur. Le concurrent irrégulièrement évincé pourra alors introduire un recours en dommages et intérêts, pour obtenir réparation de son préjudice (perte de chance de remporter le marché, frais de préparation de l’offre, atteinte à l’image...).
Ces demandes indemnitaires peuvent représenter des sommes importantes. Enfin, des motivations “orientées” ou discriminatoires constituent potentiellement un détournement de pouvoir et engagent la responsabilité pénale personnelle de l’acheteur (délit de favoritisme).
La réputation de l’acheteur et de l’organisme
Une annulation contentieuse ou une condamnation en responsabilité sont aussi dommageables en termes d’image pour l’acheteur. Elles instillent un doute sur la régularité et l’impartialité de ses procédures, et peuvent susciter la défiance des opérateurs économiques, voire les dissuader de soumissionner ultérieurement.
Toutes les clés pour rédiger des décisions correctement motivées sont au cœur de notre formation “Bien motiver et communiquer sa décision en matière de marchés publics”. N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus !